Zamor, le nègre républicain, Ludovic Miserole

Le jour décalé sur Collectif Polar

1e épisode

Le livre : Zamor : le nègre républicain de Ludovic Miserole ; préface de Michel de Decker Paru le le 5 septembre 2022 chez Phenix noir – Le prix broché 16.95 €. (486 pages) ; 21 x 14 cm

4ème de couverture :

Zamor… Il n’aura laissé qu’un vague souvenir, un certain malaise même. Enfant indien, on l’arracha aux siens pour l’offrir à la favorite du roi de France, ce pays inconnu et si lointain. Il connut les ors de Versailles et les moulures de Louveciennes à l’ombre de Madame du Barry. Advint la révolution et avec elle l’opportunité de prendre en main sa destinée. Certains choix et certaines amitiés ne seront pas sans conséquences. Celui qu’on appelait « le nègre de la Dubarry » devint alors le nègre républicain portant même le surnom peu glorieux de l’ami Zamor. Mais qui était vraiment Louis-Benoît Zamor ?

L’auteur :  Né en 1973 après le succès de son premier ouvrage Rosalie Lamorlière, dernière servante de Marie-Antoinette, Ludovic Miserole nous invite à nouveau à rencontrer un personnage méconnu de notre histoire.
Avec un talent indéniable, il combine la vérité historique, puisée minutieusement dans les sources, et l’invention, autrement dit, il marie subtilement histoire et fiction pour mettre en scène un passé révolu. Derrière le portrait de Zamor se dessine, en filigrane, celui des héros – les grands, que nous connaissons, comme les anonymes, les « humbles » qui ont œuvré dans l’ombre – d’une France révolutionnaire et postrévolutionnaire.

 

 

 

Extraits :
« À Paris, la rue du Puits-de-l ’Ermite commence doucement à s’éveiller. Des passants encore un peu endormis arpentent le lieu crasseux aux fragrances fétides à la recherche de quelque aliment à se mettre sous la dent. Pour beaucoup, hélas, ce dimanche sera un nouveau jour de jeûne forcé. L’appétit de réformes ne nourrit pas son homme et la faim n’est pas bonne conseillère. Si la rue grouille de mécontents, les plaintes ne franchissent pourtant que rarement leurs lèvres.
Les dénonciations, fondées ou non, sont monnaie courante à Paris et en province. Quelqu’un dérange ? Une petite missive à l’accusateur public ou au Comité et on se débarrasse du gêneur d’une manière aussi expéditive que radicale. La méfiance et la peur habitent le cœur des Parisiens qui s’évertuent à entretenir de bonnes relations avec leur voisinage et à ne déplaire à quiconque pour ne pas finir sous la lame biseautée de la guillotine.
« As-tu vu ce qui est arrivé aux Girondins ? Cinq charrettes ! Vingt et un guillotinés ! On devait même nettoyer l’échafaud à grande eau entre chaque exécution tellement le sang l’inondait et le rendait glissant. Il ne fait pas bon se mêler de politique ces temps-ci.
— Ils n’ont eu que ce qu’ils méritaient. On ne peut vouloir le changement en se montrant tiède. On ne peut se dire patriote et calomnier le grand Marat. D’ailleurs, ne fut-il pas acquitté de toutes les horreurs qu’on lui reprochait ?»
« Oui, il a été sot de croire tout ce qu’on raconte dans les livres. Rousseau et tous les philosophes mentaient. Nous ne sommes jamais libres. Il existe toujours quelqu’un pour vous manipuler, pour vous faire avaler que le noir est blanc et que l’herbe est plus verte ailleurs. Il y aura éternellement des dirigeants et des dirigés. Des tyrans chassent des tyrans, là se trouve la seule règle, immuable. L’égalité n’est qu’illusoire. Une chimère maintenant les masses dans le déni et l’espoir.»

La chronique jubilatoire de Dany

Zamor, le nègre républicain de Ludovic Miserole

Quand on a la chance de rencontrer Ludovic Miserole et que l’on l’écoute parler de ses personnages passionnément, on est curieux. Il s’attache à mettre en lumière les victimes, les laissés pour compte, les obscurs, ceux qui par leur présence font que les plus fieffés des enfoirés continuent à vivre dans l’opulence et la lumière. Que seraient ces notables sans leur cour. J’avais commencé à lire cet auteur par la trilogie sur le marquis de Sade et j’avais pu discuter de la pertinence de cet éclairage décalé avec lui. Certes dans la bibliographie de Ludovic, Zamor est antérieur à la trilogie mais il me fallait attendre une réédition pour découvrir ce nègre républicain. L’action recouvre la vie de Zamor, de l’enfance à l’âge mûr. La Terreur donne une chance à ce jeune d’origine indienne de se réhabiliter, de prouver que sa différence est une richesse. C’est sans compter sur un arriviste qui va l’utiliser pour se propulser encore plus haut dans la hiérarchie républicaine jusqu’à …

J’aime les romans historiques lorsque l’auteur se donne pour mission de nous immerger dans l’ambiance afin de nous faire approcher les réalités, sans jugement. A posteriori tout est facile pour celui qui connait la suite, pour les protagonistes ça n’est pas le cas. Dès lors le lecteur y découvre une géopolitique sans filtre, juste parce nos héros sont là au bon ou au mauvais moment. Disons que Zamor a de bonnes dispositions pour choisir les situations les moins avantageuses pour lui, les alliés les moins intègres. Après avoir subi la séparation violente avec sa mère, trouvera-t-il repos et bonheur ? Les chemins qu’il empruntera seront-ils de nature à l’apaiser ? Lecteurs, vous avez entre les mains une fresque de la petite histoire, celle qui accompagne les grands moments de sa cousine avec un grand H.
Un contexte très documenté donne encore plus de valeur à ce roman à suspense où la conviction d’agir avec raison et humanité est malmenée par les manipulations et tromperies.

Au-delà de l’aspect historique de l’intrigue, nous sommes invités à questionner notre approche de la différence. Il semble que cela ne soit pas un problème découvert récemment et l’auteur s’applique à nous le démontrer.

Notons que Rosalie Lamorlière apparait en invitée (« guest » comme on dit outre-manche) dans ce roman, ce qui vous donne un indice sur ma très prochaine lecture ! …

Lu en version numérique 6.99 €

 

Autres extraits :
« Qu’il est difficile d’être différent ! Il faut se battre en permanence pour prouver que cette différence n’est pas une tare ! Oui il est né pauvre et petit, non sa peau n’a pas la blancheur laiteuse des Français de souche qui, à la Cour, s’évertuaient à la préserver en la protégeant du moindre rayon de soleil. Non il n’est pas de ces patriotes qui ont souffert de l’oppression des tyrans et ont dû prendre les armes pour s’en défaire, car oui, il a connu les ors de Versailles, les porcelaines de la Dubarry tout comme les cajoleries des dames bien nées. Il ne s’en plaint pas, même si tout cela n’a jamais dépendu de lui. Doit-on lui faire payer des choix qu’il n’a pas faits ? »
« La ville de Bruxelles est bien plus calme que Paris. Les gens ici ont l’air apaisés, ils paraissent même subir leur sort avec philosophie. Cette province française sait qu’un jour ou l’autre, elle redeviendra autrichienne ou retombera peut-être même sous l’influence des Pays-Bas. Au jeu des annexions et des conquêtes militaires, la Belgique résignée a un destin peu enviable en Europe, passant d’un pays à un suivant, sans la moindre considération pour un éventuel sentiment patriotique. »

13 réflexions sur “Zamor, le nègre républicain, Ludovic Miserole

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